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"Le tub" du peintre

par ANNICK DURAND

"Le tub" du peintre

Il quitte les chevaux et abandonne dans un sac de satin rose les danseuses tendues et impalpables. Edgar n’intervient plus, non plus, quand des petites filles spartiates provoquent de jeunes garçons nus et oublie ces spectacles de guerre où les corps subissent des violences insoutenables.

Il a une nouvelle passion, loin d’être celle de la visite des cloîtres et des églises. Il fait son entrée dans les maisons closes où il découvre, à sa manière,  les prostituées et plus particulièrement leur toilette précédée des instants où trainent, négligemment  au sol, des vêtements, parfois, précipitamment ôtés. Ce n’est pas par l’entrebâillement d’une porte ou un trou de serrure qu’il regarde ces femmes entrer ou sortir du bain en présentant des fesses proéminentes ou des poils pubiens fournis. Sans excitation, il les croque, de dos, accroupies dans un tub ou en train de se poser sur un bidet. Elles se sèchent  le  corps, légèrement penché en avant, un pied appuyé sur le rebord d’une baignoire puis font glisser sensuellement un peigne le long de leur longue chevelure. Tous ces soins corporels émoustillent la sensibilité d’Edgar comme ces courbes d’épaule le crayon et la tendresse des nuques les pinceaux de soie. Il a envie de nous offrir ces situations crues jamais rapportées.

Les contorsions surprenantes et l’audace des positions pourraient, chez certains de ces amis, du même art, donner un caractère pornographique. Non, Edgar garde seulement un souvenir de jeunesse, lors d’un rare passage en ces lieux, comme beaucoup d’hommes contaminés à l’époque. Il n’est pas utilisateur, il est observateur  et préfère les dessiner, les photographier, les sculpter telles qu’elles sont.

S’il habille ces petites sœurs d’amour, il commence, souvent, bien bas, par les bas noirs remontés jusqu’à la cuisse et complète la tenue avec un petit ruban noir autour du cou puis les assoit ou les allonge sur un lit. Elles attentent ou se reposent sans être ni lascives, ni aguicheuses contrairement à ces deux intimes amies représentées lors d’un rapport lesbien, longtemps cachées du public, où exceptionnellement l’artiste s’intéresse ou veut attirer l’attention avec une scène sexuelle, fantasme de certains de ces Messieurs.

Mais que cherche-t-il, lui, ce peintre solitaire ? Il cumule des techniques souvent innovatrices de mélanges pastel/peinture/crayon/fusain, rajoute de l’essence pour obtenir des tableaux plus mats, sort deux à trois tirages d’un monotype, calque des dessins, pour les recommencer toujours différemment et réussit, parfaitement, aujourd’hui, à faire jouir notre curiosité d’un plaisir loin d’être éphémère, en milieu clos que sont nos musées et, comme Degas, nous ne touchons pas !

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