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LA MORT DANS L'ARBRE

par ANNICK DURAND

publié dans NATURE

LA MORT DANS L'ARBRE

Je suis un arbre, quelle chance pensez-vous. Je vis en plein air, grand, fort et admiré. Tantôt nu ou habillé et pour certains garnis de jolis fruits colorés et appétissants. Je ne parlerai pas de mon petit gland guère comestible par les humains mais fort apprécié des écureuils et des sangliers. Je fais partie de la famille « Chêne ». Je n’ai choisi ni les approches corporelles des animaux ni celles des humains qui viennent capter mon énergie. Quel toupet ! Ils se rechargent soi-disant. Moi, je ne viens pas tremper mes racines dans leur sang. Quand nous vieillissons ou que la maladie nous terrasse, notre sève s’appauvrit et nos branches ne s’accrochent pas à leur cou en pleurant. Je les regarde faire des gestes et des cris incompréhensibles dans ma direction puis ils me touchent, m’enlacent, me serrent ou collent leur dos à mon tronc. Je sens leurs parfums, leur sueur, leur haleine, leurs crèmes et laits cosmétiques. J’aimerais méditer, tranquille entre ciel et terre, pour les oublier. Mes ancêtres européens n’ont pas connu de tels ennuis mais d’autres que nous subissons, encore, aujourd’hui. Quel arbre, quel chêne, n’a pas eu la malchance qu’un mâle lui « pisse » dessus ? J’ai, bien sûr, des moments agréables quand un couple s’enlace amoureusement sous mes branches à l’abri de mes feuilles ou derrière mon gros corps pour les plus timides ou les plus osés. Ces tendres créatures m’inquiètent un peu quand même lorsqu’ils sortent leur opinel pour graver sur ma poitrine un cœur accompagné de leurs initiales. Sans vouloir suivre la mode des tatouages, je me sens gribouillé, de tous les côtés, sans jamais choisir mon motif pour m’exprimer, me distinguer.

Je rêve d’être un bel Arbre Propre. Vous vous faites plaisir avec mon corps, faites-moi plaisir avec vos désinfectants et déodorants aux senteurs fleuries ou sucrées. Je préfère vos jets de pulvérisateurs à vos rejets corporels et vos attaques de bombes chimiques à vos caresses intéressées. C’est la mort dans l’arbre que je choisis ce compromis.

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P
Quel charme !
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